Marquée par la sortie de deux (bons) albums du binôme formé par Brian Eno et Karl Hyde (Someday World et High Life), l’année 2014 s’achève en beauté avec les rééditions de quatre bijoux instrumentaux mis en vitrine dans les années 90 et copieusement enrichis pour l’occasion. Une sortie groupée qui permet d’apprécier en un coup d’oreille l’univers musical de Brian Eno sous l’angle d’une géographie sonore à part entière, des étendues froides et statiques de The Shutov Assembly et Neroli aux espaces effervescents et dynamiques de Nerve Net, en passant par la zone intermédiaire et tempérée de The Drop.
Ainsi, au fil des années, Eno le polymorphe – vedette glam, gourou avant-gardiste avec Bowie, alchimiste pop au service de U2, Talking Heads ou Coldplay – a-t-il su créer son propre exotisme avec des enregistrements placés sans relâche sous le signe de l’exploration.
A mi-chemin de l’avant-garde et de la musique d’ameublement, l’ambient, genre dont il avait été le concepteur quinze ans plus tôt, entrait en 1993 dans sa phase amniotique avec ce Neroli qui s’étend sur près d’une heure. D’une intransigeante immobilité, le morceau composé de quelques notes répétitives en forme de gouttes d’eau est un défi où la musique, se substituant au temps, finit par le “dématérialiser”. La “neroli” étant à l’origine une huile produite à base d’extraits d’oranges sévillanes, le disque avait été à l’époque lancé en tirage limité accompagné d’un échantillon. Il est suivi ici de New Space Music, longue variation sur une même fréquence qui vous maintient tout du long en apesanteur.
Moins radical, The Shutov Assembly propose une succession de paysages arides, l’équivalent sonore d’une toundra où ne prospèrent que lichens, flore fossilisée et aurores boréales. Plus au sud, il y a The Drop, qui à l’époque (1997) devait s’intituler Unwelcome Jazz mais qui confine plutôt à de la lounge music pour androïdes. Clou de cette livraison, Nerve Net ramenait en 1992 Eno à ses penchants polyrythmiques. Mort-né sous le titre de My Squelchy Life, l’album avait finalement vu le jour dans une version différente mais pas moins turbulente de ce qu’on appelait alors “electronic art funk”, autant soumis à l’influence de Fela Kuti et du Miles d’On the Corner qu’anticipant les concrétions abrasives d’Aphex Twin.
Nerve Net nous revient aussi inestimable qu’hier, flanqué cette fois du projet initial My Squelchy Life, soit un double fun assuré. “La fonction Lire la suite …
Source:: Brian Eno : magnifiques rééditions d’albums instrumentaux